…0019

Ahriman fixait les flammes qui dansaient dans le foyer. Un verre à demi rempli reposait sur le guéridon à sa droite. Cet homme possédé par un démon était le principal représentant de l’Antéchrist dans le monde. Il avait chèrement gagné la confiance de son sombre maître tandis qu’ils combattaient ensemble au Liban. Pour poursuivre son ascension, Armillus avait besoin de serviteurs fidèles, d’hommes capables d’assassiner tous ceux qui tenteraient de s’opposer à lui. Ahriman lui avait prouvé sa valeur à maintes reprises.

Le Faux Prophète avait récemment réussi à convaincre Armillus que la puissance de l’Amérique l’aiderait à soumettre les rois d’Europe. L’Antéchrist n’était pas sans ignorer que le Nouveau Monde devait servir de terre d’asile aux lâches qui fuiraient devant lui. Il avait tout de même donné à son bras droit la permission de tâter ce terrain. Les prophètes s’étaient peut-être trompés…

Cependant, Ahriman n’était pas venu seul en Amérique, comme son maître l’avait exigé. Il ne possédait pas l’intelligence supérieure d’Armillus qui n’avait besoin de personne pour élaborer ses plans de conquête. Il gardait à son service plusieurs démons, dont Barastar. Ces créatures primitives et stupides faisaient souvent échouer les tentatives de Satan sans même le faire exprès.

Barastar se tenait derrière le fauteuil du Faux Prophète, attendant ses ordres. Soudain, Ahriman se crispa. Les flammes jaillirent jusque dans la cheminée.

— Seth a échoué ! hurla-t-il, en colère. Il est retourné en enfer !

— Mais Seth n’échoue jamais, s’étonna Barastar Personne ne peut l’abattre, sauf…

— Les soldats divins ! Armillus m’a affirmé qu’il n’y en a aucun en Amérique !

— C’est peut-être cette agence qui l’a détruit.

— Sache qu’on ne peut pas supprimer Seth. Il reviendra dans un nouveau corps, mais cela prendra un certain temps. Ce qui m’ennuie beaucoup, c’est que quelqu’un dans cette ville soit suffisamment fort pour renverser le garde du corps d’Armillus.

— Cela change-t-il vos plans ?

— Pas du tout. Le maître m’a demandé de préparer sa venue en Amérique, et c’est exactement ce que je vais faire.

— Mais ce soldat divin pourrait vous retrouver aussi.

— C’est bien ce que j’espère.

Barastar ne comprit pas le raisonnement d’Ahriman.

— Voulez-vous que je poursuive la mission de Seth, maître ? proposa-t-il.

— Tu es efficace, Barastar, mais pas suffisamment raffiné. J’ai besoin de quelqu’un de plus fourbe, quelqu’un comme…

N’utilisant que son esprit, le lieutenant du diable appela à son secours un autre de ses serviteurs. Il demanda au Seigneur de la Mort de tuer un homme qui s’apprêtait à donner une conférence devant une foule d’étudiants dans un cégep.

 

 

Une fois le microphone attaché à son col, Yannick Jeffrey observa calmement son public. Il était en majeure partie composé d’adolescents, mais plusieurs enseignants se tenaient debout derrière la dernière rangée de bancs.

— Bonjour à tous, fit-il finalement.

Le silence s’installa peu à peu dans la salle.

— Quand j’ai accepté de préparer cette conférence, les autres professeurs d’histoire m’ont dit qu’elle s’adresserait aussi à leurs classes. Mais on dirait bien que tout le cégep est ici cet après-midi.

Des jeunes continuaient d’arriver, même si l’amphithéâtre était déjà plein à craquer.

— Donc, pour ceux qui ne savent pas très bien qui je suis, je m’appelle Yannick Jeffrey. J’enseigne l’histoire depuis de nombreuses années.

Pour faire passer son trac, le conférencier se mit à marcher de long en large sur la scène tout en s’adressant à son public attentif.

— Etant un passionné de l’histoire sainte et surtout de la vie de Jésus, j’ai passé la plus grande partie de ma vie à prouver que cet homme spécial a réellement vécu.

Un portrait de Jésus apparut sur l’écran géant derrière lui.

— Il ne fait aucun doute que Jésus est l’un des personnages les plus controversés de l’histoire de l’humanité. Un important débat continue d’opposer les historiens agnostiques aux théologiens libéraux et aux érudits chrétiens conservateurs. Mais, somme toute, tous recherchent la preuve que le Fils de Dieu a vraiment foulé le sol de la Palestine.

Le portrait de Jésus fut remplacé par une photographie des manuscrits de la mer Morte.

— Je ne prétends pas détenir la vérité. Toutefois, mes recherches m’incitent à croire que Jésus de Nazareth a fait partie de notre passé. Il est vrai que peu de documents, à part les Évangiles, parlent de lui, mais il y en a.

Les manuscrits cédèrent la place à une illustration de la Rome antique sur l’écran géant.

— Cornélius Tacitus était un historien romain en plus d’être le gouverneur de l’Asie. Dans ses Annales, rédigées en l’an 64, Tacitus confirme plusieurs des détails que l’on retrouve dans les Évangiles, Il a écrit que Jésus fut exécuté en tant que criminel sous le règne de Ponce Pilate, et que les chrétiens, qui ont commencé à se répandre dans tout l’Empire, tenaient leur enseignement de cet homme.

Yannick ressentit soudain une présence ennemie. Ses yeux parcoururent rapidement la salle. Tout en poursuivant sa conférence, il actionna le premier bouton de sa veste.

— Caius Suetonius, un autre historien romain, a écrit, dans son livre Les vies des douze premiers César, à la section traitant de l’empereur Claudius, que les actions dérangeantes des chrétiens les avaient fait bannir de Rome. Il ajoute que ces hommes et ces femmes répétaient les paroles d’un personnage qu’ils appelaient le Christ.

 

 

Aux Renseignements stratégiques de l’ANGE, un écran s’alluma, montrant un auditorium bondé. Le technicien pianota rapidement sur son clavier, et la mention YJ750 apparut en bas de l’écran. Il avertit aussitôt Cédric Orléans. Le chef sortit en trombe de son bureau et vint se planter derrière le spécialiste.

— A-t-il activé un code ? demanda-t-il.

— Aucun, monsieur.

— Mais qu’est-ce qu’il essaie de nous montrer ?

— Peut-être veut-il que nous identifiions les personnes qui se trouvent dans cette salle.

— Faites venir Vincent McLeod et Océane Chevalier tout de suite.

 

 

Sachant très bien que l’ANGE était en état d’alerte, Yannick poursuivit sa conférence en demeurant le plus naturel possible. Sur l’écran derrière lui apparut une illustration de la persécution des chrétiens par les Romains.

— Plus intéressant encore, Caius Plinius Secundus, aussi connu sous le nom de Pline le Jeune, écrivit à l’empereur en l’an 101, lorsqu’il était gouverneur de Pontus-Bithynia, afin de lui demander comment mener les interrogatoires des chrétiens qu’il persécutait. Dans une de ses lettres écrites en 1096, il indique que ces chrétiens refusaient de vénérer l’empereur et de désavouer leur chef, Jésus-Christ, même sous la torture. Ils préféraient mourir en martyrs plutôt que de renier leur foi en cet homme.

Yannick cessa de marcher. Un homme en noir s’était ajouté à son public, près du mur de ciment. Pourtant, l’historien ne l’avait pas vu entrer. Derrière lui, l’écran afficha une photo montrant des fouilles archéologiques en Israël.

— Ces hommes n’étaient pas des chrétiens. Ils n’ont pas participé à la rédaction de la Bible. Ils n’ont fait que noter des faits concernant un prophète nommé Jésus qui avait inspiré des milliers de gens de leur époque. Mais que disent les archéologues modernes à ce sujet ?

 

 

Vincent McLeod remplaça le technicien devant le moniteur et tapa à toute vitesse sur le clavier. Un carré rouge apparut sur l’écran. Il le fit glisser rapidement d’un visage à l’autre, cherchant à identifier les personnes qui semblaient intéresser Yannick. La plupart ne firent pas réagir la mire. Mais lorsque le carré rouge encadra la tête d’un homme aux longs cheveux d’ébène et à la barbe noire, il se mit à clignoter fiévreusement. Une légende en vert s’inscrivit aussitôt sous la cible :

Homme de main de l’Alliance en France, en Belgique, en Italie et en Espagne, soupçonné d’avoir assassiné des agents dans ces pays. Inactif depuis deux ans. Nom de code : Hadès.

— Je croyais que l’Alliance s’en était débarrassée après notre raid en Espagne, s’étonna Océane, debout aux côtés de Cédric.

— Code rouge pour YJ sept, cinquante, ordonna le chef.

— CODE ROUGE ACTIVE, fit la voix électronique.

Sur l’écran, ils virent Hadès sortir de sous son manteau sombre une petite mitraillette qu’il y avait dissimulée.

 

 

Yannick ne comprit pas tout de suite ce que préparait ce démon. Il poursuivit sa conférence en demeurant toutefois sur ses gardes.

— Des fouilles archéologiques au Moyen-Orient nous ont permis de faire de remarquables découvertes.

Il capta le mouvement de l’arme.

— Tout le monde par terre ! hurla-t-il.

Hadès ouvrit le feu. Yannick se laissa tomber à plat ventre. Des cris d’horreur s’élevèrent de l’amphithéâtre. La plupart des élèves et des professeurs imitèrent le conférencier et s’écrasèrent entre les sièges. D’autres, trop surpris, ne bougèrent pas. Quelques-uns furent touchés par ce déluge de balles.

 

 

Avant que Cédric ne puisse donner un ordre, Océane s’élança vers la porte. Incapable de l’arrêter, il dépêcha plutôt ses propres ambulanciers dans le secteur où se trouvait Yannick. Vincent était aussi bouleversé que ses collègues, mais il savait qu’il serait plus utile à l’Agence en demeurant devant l’ordinateur.

— Océane n’a pas utilisé sa montre dans l’ascenseur, annonça-t-il, surpris.

— Où s’en va-t-elle ? demanda Cédric.

— Au cégep. Elle utilise le code de Yannick.

Ce qui était impossible, à moins d’utiliser la montre du professeur. Mais ce n’était pas le moment d’enquêter sur cette infraction.

 

 

Au milieu de la fusillade, Yannick marcha à quatre pattes jusqu’à la tribune pour s’y mettre à couvert. Il vit, au milieu de la foule, deux hommes qui convergeaient tant bien que mal vers le tireur. « La force de frappe », comprit-il. Lorsque Hadès manqua enfin de munitions, ils se ruèrent sur lui. Yannick s’élança pour leur prêter main-forte. Il sauta dans la salle et fonça sur le tireur.

Voyant qu’il était coincé entre plusieurs hommes qui couraient vers lui, Hadès lança sa mitraillette au visage de Yannick et prit la fuite au travers du mur ! Les membres de la force de frappe en tâtèrent la surface de haut en bas sans y découvrir de porte.

Le visage en feu, Yannick tituba vers l’arrière. Il perdit l’équilibre et tomba assis dans les marches qui menaient à la scène. Du sang coulait abondamment entre ses doigts. Il ne sut pas très bien combien de temps il resta là, ahuri. Il entendait les gens pleurer et crier autour de lui, La première personne qu’il reconnut fut Océane. Elle sortit un papier mouchoir de sa poche et épongea son visage.

— Doux Jésus, tu es touché à la tête, s’énerva-t-elle.

— Il m’a lancé la mitraillette, grimaça Yannick.

— Tu saignes beaucoup.

— Au lieu de t’inquiéter pour moi, tu devrais penser aux conséquences de ton arrivée ici, Océane. Nos règlements sont clairs en ce qui concerne ce genre de secours.

— Cédric m’a laissée partir, mentit-elle pour qu’il arrête de lui faire la morale. Où est la trousse de premiers soins ?

— Derrière le lutrin.

Océane alla la chercher sans se douter qu’elle venait tout juste d’y apparaître. Yannick continua d’essuyer lui-même le sang qui giclait de son front. Il vit alors l’ampleur du massacre. Des professeurs et des élèves venaient en aide aux blessés de leur mieux ou réconfortaient ceux qui étaient en état de choc. Il voulut se rendre à quatre pattes jusqu’à une jeune fille allongée sur le sol, la poitrine ensanglantée. Océane lui saisit le bras.

— Laisse-moi d’abord panser ta plaie. Ensuite, nous soignerons ces gens.

Il était inutile de répliquer. Océane était intraitable lorsqu’elle était au travail. Elle nettoya la lacération au-dessus de ses yeux et banda sa tête avec des rubans de gaze. Des ambulanciers se mirent à entrer dans la vaste salle, apportant des civières. En quelques secondes à peine, ils commencèrent à transporter les blessés graves à l’extérieur de l’auditorium.

 

 

Aux Renseignements stratégiques, Vincent continuait d’observer la scène par le biais de la petite caméra de Yannick qu’il n’avait pas encore arrêtée. Pour l’instant, l’écran montrait surtout la blouse d’Océane qui était en train de le soigner.

— L’équipe d’urgence est sur les lieux, annonça Vincent.

Il risqua un œil sur son chef.

— Yannick dit vrai au sujet des règlements, commenta le savant. Pourtant, Océane les connaît aussi.

— Il est difficile de ne pas intervenir lorsque ceux qu’on aime sont en difficulté, Vincent. Mais j’infligerai les sanctions qui s’imposent.

— Est-ce qu’il se passe quelque chose que j’ignore entre Yannick et Océane ?

— Ils ont été très proches pendant un moment, à leur arrivée.

— Et ça s’est terminé tout seul ?

— Pas exactement. Il a fallu leur rappeler les règlements.

 

 

Une fois sa tête enveloppée de gaze, Yannick se rendit jusqu’à la jeune fille ensanglantée et la reconnut. C’était une de ses élèves du mardi. Il plaça les doigts sur son cou : pas de pouls. Il s’assura que personne ne l’observait. Plus loin, Océane et les infirmiers se penchaient pour aider les gens qui étaient blessés ou constater leur décès, Certain qu’on ne s’occupait pas de lui, Yannick masqua le bouton de son veston d’une main et appliqua l’autre sur le cœur de l’étudiante. Elle sursauta et recommença à respirer.

— Mélanie, ne bouge surtout pas, lui ordonna-t-il. On s’occupe de toi.

Pendant qu’on continuait de sortir les victimes sur des civières, des policiers arrivèrent sur les lieux, Thierry Morin en tête. Océane l’aperçut du coin de l’œil.

— Pas lui, soupira-t-elle.

Elle chercha rapidement une autre issue, mais il n’y en avait pas.

— Qui peut me dire ce qui s’est passé ? demanda l’inspecteur d’une voix forte.

Jacob Steinberg se fraya un chemin jusqu’à lui.

— Un homme s’est mis à tirer sur tout le monde ! s’écria-t-il, énervé.

— Où est-il ?

— Je n’en sais rien !

— Est-ce que c’était un employé du cégep ?

— Non ! Je ne l’ai jamais vu auparavant. Il a ouvert le feu sur Yannick et puis sur les élèves.

— Qui est Yannick ?

— C’est lui, indiqua le professeur en le pointant du doigt. Il donnait une conférence, et il avait à peine commencé quand c’est arrivé !

Thierry observa le Yannick en question. Il était à genoux près d’une jeune fille couverte de sang.

— Comment est-elle ? s’enquit-il en s’accroupissant près d’eux.

— La balle s’est logée près de son cœur, mais elle est forte. Elle s’en sortira, je crois.

Les infirmiers la prirent en charge, forçant Yannick et Thierry à se relever.

— Vous êtes Yannick ? demanda l’inspecteur.

— Oui, c’est moi, fit le professeur d’histoire.

Sa tête tournait encore un peu, mais il était parfaitement lucide.

— On me dit que vous donniez une conférence lorsqu’un homme vous a tiré dessus. Est-ce exact ?

— Oui, c’est exact.

— Le connaissez-vous ?

— Non…

— Pourriez-vous le décrire ?

— Je n’ai pas eu le temps de voir grand-chose… mais il a laissé son arme. En fait, il me l’a lancée au visage.

Yannick lui montra la mitraillette sur le sol. Thierry fit signe à l’un de ses hommes de la ramasser. C’est alors qu’il vit Océane qui faisait de gros efforts pour lui tourner le dos.

— Vous ? s’écria l’inspecteur.

Il s’approcha vivement d’elle, lui saisit le bras et la fit pivoter vers lui.

— Inspecteur Morin ? fit mine de s’étonner Océane.

— Que faites-vous ici ?

— Monsieur Jeffrey m’a demandé de lui apporter un bouquin pour sa conférence…

— Qui est monsieur Jeffrey ?

— C’est moi, répondit Yannick en s’approchant.

— Vous connaissez cette femme ?

— C’est ma bibliothécaire. Elle m’aide à trouver les ouvrages dont j’ai besoin pour préparer mes cours.

Le professeur offrit alors à Océane son regard le plus affligé.

— Je suis vraiment désolé, Madame Chevalier, lui dit-il. Je n’aurais pas dû vous demander de venir ici aujourd’hui. Vous auriez pu être tuée.

Thierry Morin fronça les sourcils, se demandant s’il y avait un lien entre le meurtre d’Éros et cette fusillade.

— Il est plutôt étrange que vous vous trouviez sur deux scènes de crime en si peu de temps, vous ne trouvez pas, Madame Chevalier ? observa-t-il.

— Parce que vous pensez que je le fais exprès ? s’offusqua-t-elle.

— Pourrais-je voir le livre en question ?

— Êtes-vous en train de me traiter de menteuse ?

— Je suis policier. C’est mon travail de tout vérifier. Feignant l’indignation, Océane se dirigea vers la tribune.

Avant de l’y suivre, Thierry jeta un coup d’œil à Yannick.

— À moins que vos blessures ne soient graves, je vous demanderai de ne pas quitter cette salle. J’aimerais vous poser quelques questions.

— Je n’ai pas l’intention de bouger, pour l’instant, Océane promena son regard sur les livres d’histoire et en choisit un qui ne portait pas l’étiquette de la bibliothèque du cégep. Elle savait qu’il appartenait à Yannick, mais il comprendrait qu’elle en avait eu besoin pour se justifier. Thierry Morin le lui arracha presque des mains.

— Où est le sceau de votre bibliothèque ? demanda-t-il, suspicieux.

— Il n’y en a pas. Je l’ai emprunté à un ami.

Le policier lui décocha un regard incrédule.

— Pourquoi me traitez-vous comme une criminelle ? se hérissa la jeune femme.

— Parce que des gens meurent sur votre passage, peut-être.

— Ce n’est qu’une coïncidence.

— Monsieur Jeffrey faisait-il aussi partie des disciples d’Éros ?

— Mon Dieu, non ! Vous n’avez qu’à lire les titres de ces ouvrages pour comprendre qu’il est chrétien pure laine.

— Je trouve quand même cette coïncidence bien étrange. Vous pouvez partir, si vous, le désirez. J’ai vos coordonnées. Si j’ai besoin de vous questionner, je communiquerai avec vous.

Prenant un air froissé, Océane quitta l’auditorium. Yannick n’avait rien perdu de leur entretien, Il restait immobile, à observer le travail des infirmiers et des policiers. En baissant le regard, il vit que les chiffres de sa montre clignotaient en violet. Il arrêta le signal en pressant sur le cadran. Juste à temps, d’ailleurs : l’inspecteur revenait vers lui.

Après s’être assuré qu’il était capable de marcher, Thierry Morin convia le conférencier à monter dans sa voiture et le ramena à son bureau, question de discuter avec lui dans un endroit moins morbide. Yannick entra seul dans la petite pièce curieusement en ordre. Habituellement, les enquêteurs recueillaient des tas de documents qu’ils n’avaient jamais vraiment le temps de ranger. L’agent de l’ANGE prit place dans un fauteuil et observa tous les objets sur la table de travail, ainsi que les diplômes sur les murs. En réalité, il les filmait avec la petite caméra du bouton de sa veste, afin de les étudier plus tard.

Thierry Morin le rejoignit au bout de quelques minutes, un dossier en main.

— Désolé de vous avoir fait attendre, monsieur Jeffrey, s’excusa-t-il. Je devais vérifier quelques renseignements.

— À mon sujet ?

— Entre autres. Votre parcours est impressionnant. Vous êtes Canadien et, pourtant, vous avez étudié partout, sauf ici.

— Mon sujet d’étude ne s’y prêtait pas.

— Je croyais qu’on pouvait étudier l’histoire n’importe où.

— Croyez-moi, il est bien plus facile d’assimiler certains événements lorsqu’on se trouve dans la ville où ils ont eu lieu. Mais c’est seulement mon opinion.

— Vous avez décidé de vous spécialiser dans l’histoire biblique. Pourquoi ?

— C’est un choix personnel. J’ai découvert beaucoup de documents qui n’ont jamais été rendus publics et je considère qu’ils sont trop importants pour qu’on n’en parle pas. J’ai donc structuré mon programme d’enseignement en ce sens.

— Si c’est si important, pourquoi l’enseigner dans un petit cégep ? Pourquoi ne pas le faire dans toutes les universités du monde ?

— Parce qu’il s’agit de thèmes dérangeants. Je veux en faire part au public petit à petit pour éviter de me faire tuer.

— Donc, selon vous, l’homme qui a ouvert le feu dans l’auditorium l’a fait pour vous faire taire.

— C’est la seule explication logique.

Thierry observa le visage contusionné de Yannick un moment avant de poursuivre :

— Quel est votre lien avec Océane Chevalier ?

— Elle m’aide dans mes recherches.

— Ne trouvez-vous pas curieux qu’elle accepte de vous aider alors qu’elle est membre d’une secte ?

— D’une secte ? Je l’ignorais.

— Êtes-vous en train de me dire que vous ne vous connaissez pas personnellement ?

— C’est ma bibliothécaire, Monsieur Morin. Que savez-vous de la vôtre ?

 

 

Au quartier général, Cédric Orléans et ses agents assistaient en silence à cet interrogatoire que Yannick avait eu la présence d’esprit de filmer. Océane venait tout juste de se joindre à eux.

— Il se défend bien, ne put s’empêcher de remarquer Vincent.

— Il ne faut pas oublier que monsieur Morin n’est pas un policier ordinaire, le mit en garde Océane. Je pense que son entraînement au Vatican lui a appris à lire entre les lignes.

— J’aimerais obtenir le texte de votre conférence, Monsieur Jeffrey, poursuivait l’inspecteur, sur l’écran.

— Oui, bien sûr, accepta Yannick. J’espère que mes théories ne vous froisseront pas trop.

Océane se raidit aussitôt. Son collègue n’était pas censé connaître le parcours spécial de ce policier.

« Yannick, fais attention », lui ordonna-t-elle mentalement, tout énervée.

— Je suis large d’esprit, ne vous en faites pas, assura Morin.

— Ça me rassure de l’entendre. En réalité, nous travaillons pour les mêmes personnes.

Océane se cacha les yeux dans ses mains en priant le ciel que cet inspecteur soit un sot.

 

 

Thierry Morin arqua les sourcils avec surprise.

— À qui faites-vous référence ? demanda-t-il.

— Au public, bien sûr. Vous le protégez, et je le renseigne.

— Je vois. J’aimerais que vous demeuriez disponible au cas où j’aurais d’autres questions à vous poser.

— Cela va de soi. De mon côté, j’aimerais bien que vous me laissiez savoir ce que vous apprendrez sur l’homme qui a tenté de me tuer.

— Ne préféreriez-vous pas oublier ce qui vient de se passer ?

— Cet épisode m’a beaucoup plus secoué que vous ne semblez le croire, inspecteur. Je tiens à la vie. C’est pour cette raison que je dois savoir quel genre d’homme j’ai offusqué au cours de ma conférence.

— Je verrai ce que je peux faire.

— Merci beaucoup. Si vous le permettez, j’aimerais aller faire refermer cette vilaine coupure.

— Je vais demander à un de mes hommes de vous conduire à l’hôpital.

Yannick lui serra la main en s’efforçant de sourire.

Antichristus
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